Ce qui nous a amenés à Baroville, c'est le champagne. Depuis plus d'un mois, Charles et moi cherchions un domaine qui voudrait bien de nous pour les vendanges (la cueillette des raisins pour la fabrication du vin). Ça a été long, en partie parce que de plus en plus de domaines utilisent des machines pour récolter les fruits. C'est le domaine Étienne Fourrier, en Champagne-Ardennes, qui nous a engagés.

Après plusieurs heures de train et quelques transferts, nous sommes débarqués à Bar-sur-Aube. Un des patrons nous attendait à la gare, Charles, moi, ainsi que tous les autres vendangeurs (une vingtaine). Nous logions tous dans l'abbaye du grand boss, à Baroville. Village lointain, perdu, où il n'y a pas de signal et même pas une boulangerie. 

La vue par contre est à couper le souffle. Des champs sans fin de vignes et des couchées de soleil splendides.

8h00, tous les matins, le départ. Nous montions tous, accoutrés de nos habits de pluie verts foncés, dans le camion. On baille, on a de petits yeux et on essaie de se motiver tant bien que mal. Parce que malgré l'ambiance chaleureuse des soirées, le travail est très exigent physiquement. Particulièrement en Champagne à ce qu'on m'a dit, car les vignes y sont les plus basses. Beau temps mauvais temps, on décide de sacrifier ses genoux (en avançant à genoux dans les roches et la boue le long des rangées) ou son dos (comme moi, en restant debout mais cambré). Surtout, ne pas oublier une grappe et garder le rythme. Les 3 premiers jours, j'ai cru que j'allais mourir de douleur. Je ne suis pas sportive et mon corps me l'a bien rappelé. Le dos, le cou, les cuisses, les mains, les doigts... je m'endormais comme une tonne de brique la nuit venue! J'ai cependant beaucoup d'endurance, alors chaque matin je me retroussais les manches, je me plaignais le moins possible et j'endurais la douleur. Au bout de 3 jours, elle était toujours là mais je l'ai oublié. Depuis l'adolescence, j'ai des maux de dos. Depuis les vendanges, ils ont disparu.

Mes moments préférés étaient ceux où nous étions assis dehors, après le boulot, la douche et le changement de vêtements. Les muscles endoloris, mais le corps reposé, tellement content d'avoir fini la journée d'efforts. Le soleil couchant, un verre à la main et emmitouflés dans nos cotons ouatés, attendant le repas gargantuesque et tant mérité. 

Même si ce fut difficile, je me rappelle des vendanges comme d'un doux moment. Beaucoup de belles rencontres et de fous rires. Je suis fière de l'avoir fait au moins une fois dans ma vie et si vous êtes en France pendant la saison des récoltes, n'hésitez pas une seconde à vous lancer dans la courte mais extraordinaire aventure des vendanges :)